Les échouages de mammifères marins recensés sur les côtes françaises, principalement sur la façade Atlantique, ont été multipliés par trois depuis 2015, passant de 500 à plus de 1500 échouages en 2021. En 2020, ce nombre a connu un pic avec près de 2000 cétacés échoués. Pour le dauphin commun, les captures accidentelles en chalut et en filet (bycatch) sont considérées comme la principale cause de cette mortalité. Ces captures ont principalement lieu en hiver, lorsque les interactions sont maximales entre les dauphins, qui chassent les mêmes proies que certains poissons comme les bars ou les merlus, et les pêcheurs, qui pêchent ces poissons.
Les correspondants du Réseau National des Echouages, coordonné par l'observatoire et institut de recherche du CNRS Pelagis, se rendent tout au long de l'année auprès des animaux signalés par des promeneurs. Ils identifient l'espèce, documentent d'éventuelles traces de capture (hématomes, perforations, amputations...) et prélèvent parfois des organes, dont l'analyse permet de suivre l'état de santé des populations. Pour Pelagis, le taux de mortalité actuel des dauphins communs du golfe de Gascogne met en péril la population à l'échelle de quelques décennies. "Les dauphins viennent dans le golfe et ils y meurent" assure Hélène Peltier, chercheuse.
Parallèlement, chaque nuit d'hiver depuis 7 ans, des activistes de l'association Sea Shepherd France sortent en mer pour observer la remontée des filets et des chaluts de marins pêcheurs, pour vérifier la présence de répulsifs acoustiques comme les pingers (obligatoires sur les chaluts) et alerter sur l'éventuelle présence de dauphins asphyxiés dans ces engins de pêche. Pelagis estime à plusieurs milliers le nombre de dauphins communs morts pendant cet hiver 2023 sur la côte Atlantique française (les échouages ne représentant qu'une portion des morts). Le 20 mars 2023, face à ces chiffres et aux projections de Pelagis, le Conseil d'Etat a ordonné la fermeture spatiotemporelle de zones de pêche réclamée depuis des années par Sea Shepherd France et la LPO pour sauvegarder les dauphins du golfe de Gascogne.
La fermeture a été actée pour la première fois du 22 janvier au 20 février 2024 pour 450 chalutiers pélagiques et fileyeurs de plus de 8 mètres dans le golfe de Gascogne. Nonna Bernard, patron pêcheur depuis 1997 sur l'Albi, un chalutier pélagique amarré dans le port de pêche de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, en Vendée, est concerné. Il assure n'avoir jamais capturé de dauphin et exprime sa frustration face aux équipements obligatoires qu'il a dû acheter (pingers, VMS) et qui n'ont pas empêché l'interdiction, disproportionnée selon lui. S'il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur l'efficacité de cette fermeture, les premières observations de Pelagis pendant cette période indiquent moins d'échouages ou de carcasses de dauphins à la dérive, et surtout moins de traces de captures sur les animaux échoués.
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Publications choisies :
- Six pages dans le numéro dédié aux dauphins de la Revue Salamandre en août 2023
- Pourquoi tant de dauphins échoués sur les plages dans CNRS Le Journal de septembre-octobre 2023
- Dauphins menacés, la pêche est suspendue dans Sciences Ouest en février 2024
- Pêche au chalut, une coalition citoyenne sur le front des mers dans Libération le 26 mars 2024